La Borne

A cinquante km au sud de Gien, Henrichemont, vous prenez un petit bout de la départementale 22 et vous arrivez à La Borne; et là, dans un rayon de 5 km, vous avez un nid de potiers créateurs comme il y en a peu en France.



A quelques exceptions près, ils travaillent à l'ancienne, et s'ils ont électrifié leurs tours (bien qu'il leur arrive d'en utiliser d'anciens), leurs cuissons se font majoritairement au feu de bois.

Ci-dessous les différents types de fours :



La poterie de création a ceci de particulier, c'est qu'elle allie le travail intellectuel au travail physique. En effet, il faut une certaine force pour manipuler les pains de terre, pour utiliser un tour, pour sculpter de l'argile, pour émailler des pièces parfois très grandes et pour enfourner et défourner ces pièces. et il faut une dose de créativité et d'imagination pour "sortir" ces formes, ces couleurs, ces effets, cette beauté parfois irréelle des oeuvres.

J'ai une énorme admiration pour ces artistes dont la plupart d'entre eux (enfin ceux que j'ai rencontré au fil des expos et des lieux que je visite) sont restés simples, avenants et sympathiques.

Sur ce fil, je vais vous présenter quelques uns d'entre eux.

Heureuse que ton séjour t'ai plu.....J'ai hâte de voir la suite....

Né en 1954, Eric Astoul décide assez rapidement de se consacrer à la céramique. Après un stage à Ratilly, il devient tourneur chez Digan à la Borne. En 1982, il construit un four thaïlandais de 7m3. Il est le premier potier à la Borne à renouer avec la tradition du four couché, qui remonte, en France, à l'époque Carolingienne.




Pourquoi cuire au bois ?
La cuisson au bois imprègne les céramiques comme d'un souffle de vie.

Pourquoi le choix de ce four ?
Les cuissons avec un grand four rythment la vie du potier. La pratique des cuissons longues, des embraisements, laisse s'exprimer le "riche vocabulaire de l'argile et du feu" révélé grâce aux équipes de cuiseurs pyromanes.

Citation :

Avant l’exposition, il avait prévenu ses amis : '’la cuisson est bonne’'. Eric Astoul vient d’exposer des sculptures à la Galerie Pierre. Dans son coeur il ne se veut pas sculpteur, et dit seulement : '’je suis potier’'.

Lors de la dernière exposition à la même galerie, l’an dernier, Eric Astoul proposait d’importantes pièces tournées, avec une panse élargie à l’extrême, très refermées du haut, et tout l’art était dans cette étroite ouverture, entaillée, presque sectionnée verticalement, semblant à la limite de l’éclatement. Parce qu’il s’agissait de réceptacles creux, notre pauvreté de vocabulaire faisait nommer cette force en suspens : '’vase.''

Soudain, une autre possibilité est apparue, un constat : '’plus je tournais, plus je rentrais les outils dans les parois, plus j’avais envie de formes différentes’' dit-il. Aujourd’hui, le pas est franchi. L’éclatement est réalisé. Il n’y a plus de tournage. La pièce, modelée, est un bloc : en sculptant dans la masse, tout un champ s’est ouvert, soudain. Mais le bloc se développe toujours autour d’un creux. Comme si une force centrale tentait d’éclater aux quatre directions, s’exprimant dans une violence continue. Tout se situe à la limite entre l’unité intrinsèque, et un écartèlement pouvant aller jusqu’à la rupture. Comme une coalisation, élaborée, construite, ultime rapprochement, avant que le monde éclate, se disloque. Parfois, la division est consommée, créant des blocs indépendants, et pourtant encore imbriqués, comme si l’arrachement était impossible, tous, formant encore le même corps, le même continent.

Car la dimension perd toute échelle, semble colossale. Ce monde de terre et de feu semble destiné à quelque gigantomachie, pour une contrée nouvelle, étrangère à l’homme, et pour laquelle Eric Astoul à continué de mener à l’extême son combat. Aller à la limite.

Au départ il fait quelque dessin, une façon de mettre certaines lignes en valeur, comme un premier objet d’architecte. Parfois aussi, il élabore une maquette. Mais tout cela est-il vraiment important ? Ce qui compte, c’est le besoin qu’il a de la terre, son corps à corps avec la pièce, son improvisation, au long des jours où elle mûrit. La couper avec un fil, l’évider, la recoller. Rajouter des masses pour éviter tout stratisme. Revenir avec des outils. Créer ces scarifications, ces incisions qui font partie de son répertoire, comme ces taches d’ombre qui apparaissent par endroits, suivant sa façon d’embraiser les pièces à un certain moment — autrement, de mettre une grosse accumulation à certains endroits -, d’obtenir un effet de scories.

Selon son habitude, il a joué avec les différentes couleurs de terres, les différents types de grès.'' J’appréhendais une cuisson trop sombre’', dit-il, la lourdeur des pièces lui interdisant de les enfourner dans les endroits où elles auraient été bien oxydées. Une seule, un peu jaune, a pu être mise en plein feu oxydant, au niveau de la voûte. Pour éclaicir la matière, il est allé jusqu’à la mêler de porcelaine. Les marques du feu, et l’aspect coupant des blocs, accordent presque à ces pièces la lourdeur des bronzes. Vulcain et sa forge.

Le plus important, peut-être, était de soulever le poids d’une masse de 60 kg, semblant insoulevable. Créer un jeu d’emboîtement, donner un élan, laisser la pièce prendre possession de l’espace. Jusqu’à atteindre ce qui semble un champ de mégalithes surgi dans un lieu désert, lourdes masses magnifiquement élevées, dans une difficile ascension. Pour découvrir toutes les surprises que réservent ces parois abruptes, le regard tourne autour. C’est bien le propre d’une sculpture.

'’Marielle Ernould-Gandouet, Revue de la Céramique et du Verre, juillet-août 2005.''

Née en 1970
1990 : stage chez Dominique Garet;
Autodidacte en sculpture,
Isabelle Coeur exerce depuis 1994, travaille avec David Whitehead.



Isabelle Coeur utilise un four "baleine" à une chambre de 5 m3. Elle a participé à sa construction. Il faut 15 à 20 stères de bois et 6 jours de cuisson pour porter la température à 1340 degrés

Pourquoi cuire au bois et pourquoi le choix de ce four ?
Le bois pour sa simplicité, ce qu'il donne à la terre, son évidence à la borne.
Le feu matière, la trace, l'empreinte des flammes. L'union des éléments, la force, l'échange, le partage, l'inconnu, la transformation, la déformation, l'attente , l'oeuvre.
Le four à bois incarne tout cela, l'Anagama (nom du type de four qu'elle utilise) à mes yeux le sublime.
Quête d'absolu ?

Technique :
Tournés puis cuits en flamme directe dans un four de type anagama, mes pots ont pour certains des décors et des effets de textures et pour les autres ils sont exposés bruts à la flamme directe, celle-ci aidée des cendres, des braises et des atmosphères compose une variété d'effets.

Formation :
Apprentissage en Ecosse. Travail en Afrique du Sud, Ecosse et Grèce.

Pourquoi cuire au bois ?
Chaque cuisson avec son rythme lent est comme un voyage. L'enfournement, la cuisson et le refroidissement font partie de la création des oeuvres.

Pourquoi le choix de ce four ?
Découvrir des pièces déformées, fortement marquées par le feu, embraisées et d'autres d'une grande subtilité.
Complicité entre la nature et l'homme.
Ancestrale, primitive.
C'est pour cela que je cuis au bois et que j'ai choisi l'Anagama.

Tout est vraiment très beau...avec une petite préférence pour Mr Astoul.

Née en 1957.

Ecole d'art de Bromley, Kent ; 7 ans à l'atelier Loshak, Hawkshead Pottery ; Stage chez Bottani-Dechaud et Astoul ; travaille avec D. Garet depuis 1992.
Exerce depuis 1970. Artiste libre.

J'utilise les grès de La Borne, la plupart des pièces tournées, quelques unes modelées, pour fabriquer deux productions : des pots de jardin, cache-pots, épis de faîtage, bouteilles, théières, brutes et engobées, enfournées en piles, cuites au bois. Des pièces pour la table, décorées, émaillées et cuites dans le four à gaz ( plats, saladiers, soupières, vases, ect..). Un nouveau four à bois depuis cet été 2003, cuisson au sel !

Pourquoi cuire au bois ?
C'est simple, naturel, ancestral et beau. Ca nous apprend le bois, le feu, la chaleur, l'endurance, le travail en équipe, la patience, les surprises, l'émerveillement et l'humilité.

Pourquoi le choix de ce four ?
Si j'avais 20 ans, j'aurais construit un Anagama ! Mais avec mon dos fragile, j'ai choisi un type Sèvres. Facile à cuire, enfournement, cuisson et défournement se font debout (*). Avec les flammes renversées, il cuit homogène et efficace.
(*) note du Claudius : Roz est toute petite, pas beaucoup plus d'1m50.

Le four qu'elle utilise fait 1 m3. Il nécessite 3,5 stères pour 18 heures de cuisson (salage inclus); la température atteinte est de 1300 degrés



Roz Herrin utilise une technique particulière. A l'aide d'un pistolet à sable, à la fin de la cuisson, elle projette du sel sur ses pièces. Cela donne des effets particuliers et une glaçure. L'inconvénient, c'est que le sel se dépose également sur les parois du four qui, du coup, est réservé à ce type de cuisson.

Né en 1947.
1977 : Stage chez Owen Watson.
1979 : Cnifop.
Installée depuis 1980 à La Borne.
Construction four japonais à trois chambre en 1982 et à gaz en 1987.

Dominique Garet utilise donc un four à trois chambres de typa japonais de 6 m3. Il faut 8 à 10 stères de bois pour 36 heures de cuisson (2 chambres); la température atteint 1300 degrés.



Pourquoi cuire au bois ?
La cuisson au bois, énergie renouvelable, apporte naturellement, généreusement, patiemment aux argiles, haute température, couleurs et matières reconnaissables et bien particulières.

Pourquoi le choix de ce four ?
Le four japonais à chambres laisse la possibilité de cuissons différentes dans la dernière chambre : sel, biscuit, enfumage. Economie de bois due à l'énergie fournie par la chambre précédente.





Dominique Garet utilisant un tour à bâton.
Avant l'électrification et avant les tours à pieds, ces tours étaient utilisés; avec un bâton on lançait la rotation; lorsque la vitesse idéale était atteinte, le potier montait sa pièce avant que le tour ralentisse.

Je suis né à York dans le nord de l'Angleterre en 1950, et j'ai vécu dans le Yorkshire jusqu'à l'âge de 6 ans. Nous avons déménagé dans le Pays de Galles quand mon père fut engagé pour y gèrer une immense ferme.

À 17 ans j'ai quitté mon foyer pour étudier à Hereford School of Art & Design, ensuite à Redruth School of Art en Cornouailles, dans le sud-ouest de l'Angleterre, où j'ai pris un cours supérieur de céramique pour lequel j'ai reçu un diplôme avec mention. Après avoir effectué des stages chez plusieurs potiers établis et connus, j'ouvrais ma propre poterie à Newquay (Cornouailles) en 1971.

Quatre ans plus tard j'ai créé un grand atelier qui produisait de manière artisanale la vaisselle de table dans le département voisin, le Devon.
En 1982, je suis venu pour la première fois avec ma famille travailler pendant 3 ans les formes traditionnelles de La Borne dans le grès cuit au bois. À La Borne, cet ancien village de potiers où depuis 8 siècles, artisans et artistes travaillent la terre.

Hugh West a une très belle galerie d'exposition, elle est complétée par de magnifiques photos réalisées par Christine et Hugh.