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 Leçon de morale

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Claudius
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Claudius


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MessageSujet: Leçon de morale   Leçon de morale Icon_minitimeJeu 10 Avr 2008 - 19:12

vendredi 14 mars 2008
Programmes 2008
Instruction civique et morale
Réseau Eppée


Leçon de morale Morale10


INSTRUCTION MORALE et CIVIQUE
[1]

(Exemple de fiche de préparation)


Chapitre du programme concerné : La politesse.

Intitulé de la séquence : Comment répondre à une provocation.

Séance n° 1 : Econduire un importun de manière civile.


Contexte pédagogique :

Objectif : S’approprier un langage et un vocabulaire adaptés ; à un contexte, une situation et une personne donnés.

Compétence du socle commun [2] visée : être capable de s’exprimer dans un registre présidentiel.


Point de départ :

Proposer aux élèves d’imaginer la situation suivante :
"Lors d’une visite au salon de l’agriculture, un professeur prend un élève par le bras pour l’inviter à suivre le reste de la classe au lieu de lancer des invectives et des quolibets à un visiteur de petite taille, en visite officielle et occupé à comparer les louches et les cuillères qu’on lui tend. "Me touche pas tu me salis" lance l’élève en colère. "Alors casse-toi pauvre connard" rétorque gentiment le maître.


Déroulement de la séance :

1) Diviser la classe en deux groupes. L’un travaillera sur "Me touche pas tu me salis", l’autre sur "Alors casse-toi pauvre connard".
Consigne : dans la phrase qui vous est attribuée, relever à l’aide du tableau suivant les mots et expressions relevant des différents niveaux et registres de langage.


Langage présidentiel

Langage soutenu

Langage courant

Langage populaire



2) Inviter les élèves à proposer à l’oral leur classement. Ne pas manquer de faire remarquer que l’essentiel de la phrase n°1 se situe dans le niveau courant, voire populaire (comme l’indique la négation tronquée du "ne" dans "Me touche pas"), alors que l’essentiel de la phrase n°2 se situe résolument dans le niveau de langage présidentiel.

3) Les élèves seront ensuite invités à réfléchir sur deux expressions :

a. "Casse-toi". Il est intéressant de commencer par une recherche de synonymes dans le même registre : "Barre-toi", "Dégage", "Trisse", "Ripe ton cul"… Ce qui amène à faire constater par les élèves la richesse du registre présidentiel.
Il est tout à fait possible que, par esprit de provocation, un élève propose "Va t’en" ou pire encore, "Voudriez vous s’il vous plait cesser de m’importuner". On fera remarquer (en stigmatisant l’insolence, au passage) que l’expression "Va t’en" est beaucoup trop dure dans la bouche et donc très irrespectueuse. On entend presque "Satan !"
Quant à "Voudriez vous s’il vous plait cesser de m’importuner", on invitera les élèves à en mesurer le côté ampoulé et chichiteux qui traduit suffisamment le mépris d’une personne à l’encontre de son interlocuteur pour en conclure que ce genre de propos est à classer dans la catégorie "à éviter absolument en toutes circonstances".

b. "Pauvre connard". Il n’est pas utile de s’appesantir sur le vocable connard qui a déjà fait l’objet d’une étude approfondie, lorsque nous avons évoqué, en classe, la triste affaire de cet enseignant fou et indigne de sa profession, qui s’est laissé aller à une violence physique inouïe et inqualifiable, lorsque l’un de ses élèves l’a aimablement affublé de ce qualificatif.
On se contentera de rappeler que "connard" est un diminutif sympathique et doux du mot "con" qui vient du bas français "connil" lui-même dérivé du latin "coniglius" et signifiant "lapin". On voit par là toute la gentillesse et la douceur qu’il y a à qualifier son prochain de con, ou encore mieux de connard.
Avec les plus petits, il ne sera pas utile d’évoquer la triste utilisation déviée et déviante du mot "con", dans une connotation bassement sexuelle et qui plus est dégradante pour les lapins (Ce point sera d’ailleurs revu lors d’une séquence sur le respect du monde animal au cours de laquelle vous inviterez Brigitte Bardot à expliquer comment toute sa vie a tourné autour de ce mot, de ses débuts à l’écran à son amour des lapins aujourd’hui, en passant par sa période fourrure.)

Par contre, il convient de s’attarder sur le qualificatif "pauvre" précédant le mot "connard". D’abord pour faire remarquer que le terme qualificatif n’est ici pas approprié, puisque nous nous situons de manière intrinsèque dans le domaine de l’injure et de l’insulte.
Traiter quelqu’un de "pauvre" est d’une rare violence. Les pauvres sont en effet la lie de nos sociétés ultralibérales. Le pauvre est un être sans ambition, le contraire d’un battant. Bref c’est un looser et il est lui-même une injure à notre foi dans le capitalisme.
Autant traiter quelqu’un de "bon à rien", de "fainéant" ou encore de "parasite" !
En conséquence, il est primordial de faire remarquer aux élèves que, même si l’on peut comprendre qu’un mot puisse parfois nous échapper, sous le coup d’une juste colère par exemple, il convient de bannir le mot pauvre de notre vocabulaire comme on bannit le pauvre lui-même.


En conclusion, les élèves devront être amenés à dire que, dans la situation étudiée, il aurait mieux valu que le professeur s’en tienne à "Casse-toi connard" qui comme la séance l’aura bien mis en évidence reste dans un registre amical, sympathique, affectueux et respectueux. Au passage on aura donné par la même occasion une leçon d’humilité aux élèves en démontrant qu’un professeur n’est pas infaillible.
En résumé : "Casse-toi connard" est tout à fait du registre présidentiel et est sans aucun doute la meilleure façon d’éconduire poliment un importun.
Toutefois, il conviendra de faire remarquer aux élèves qu’il faut absolument s’abstenir de lancer "Casse-toi pauvre connard" au beau milieu du salon nautique et de la navigation de plaisance eu égard à l’étymologie du mot "connard". Le lapin étant banni du pont de tous les bateaux comme le pauvre de celui des yachts !


Prolongements possibles :

- En français : il semble indispensable d’étudier quelques formes emphatiques pouvant de manière intéressante enrichir et renforcer l’expression, comme :
"Casse-toi tu pues, connard dégénéré !"
- En histoire : il serait utile d’étudier l’évolution positive du registre de langage présidentiel qui nous a fait passer en quelques décennies (à savoir de Charles De Gaulle à Nicolas Sarkozy) de veaux à lapins.
- En économie, on traitera le paradoxe suivant :
Comment envisager un bannissement rationnel et efficace des pauvres alors même que l’on en produit des quantités de plus en plus importantes ?
- En maths/sciences : Etudier les implications mathématiques et physiques d’une expression comme : "Y’a pas à tortiller du cul pour chier droit". Expression dans le droit fil de notre leçon de morale du jour et qui signifie que l’on a tout à gagner à être franc et direct.
- En anglais : proposer aux élèves de traduire "casse-toi connard". Cela donnera quelque chose comme : " Get the fuck out of my way you bastard ". Ce sera l’occasion de vérifier si la traduction permet de passer de la forme Présidentielle à la forme Royale, ce qui serait une bonne nouvelle tant pour Elisabeth que pour Ségolène.


Prochaine séance :

Le thème n’en est pas encore défini, il suffit à l’enseignant consciencieux, pour sa leçon quotidienne, de lire les journaux ou d’écouter la voix de son maître à la radio ou à la télé.

[1] Pour construire ses leçons, le maître pourra se référer avec profit aux excellents écrits de Saint Nicolas d’Arcos, qui est à Saint François d’Assise ce que le faux con est aux petits oiseaux.
[2] Ne pas confondre socle commun et piédestal ordinaire.


Source : Réseau Eppee
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MessageSujet: Re: Leçon de morale   Leçon de morale Icon_minitimeVen 2 Mai 2008 - 17:40

À l’heure où le ministre Xavier Darcos tente de réintroduire dans les programmes scolaires des cours de morale et de civisme, il n’est pas inutile de démystifier ce que furent en réalité ces enseignements dans le passé. Or, deux auteurs se sont penchés sur de vieux manuels d’instruction civique [1], et le résultat est accablant.
Article

L’éducation civique apparaît en effet comme une école de la servitude : les manuels ne cessent de célébrer la patience, la prudence, la modestie et la discrétion, tandis que tout ce qui ressemble à de la résistance, de la révolte ou de la revendication se trouve stigmatisé comme de la vanité, de l’outrecuidance ou de la sauvagerie.

Morceaux choisis :

"Maxime : la connaissance des devoirs est plus utile au bonheur que celle des droits "

"Le bonheur ne consiste pas à demander beaucoup, mais à se contenter de ce qu’on a"

"Acceptons joyeusement la médiocrité, qui ne nous prive que du superflu et nous libère du souci des grandes richesses."

"Le devoir nous ordonne de nous résigner ; si une mère perd son enfant unique, qu’elle s’intéresse à des enfants orphelins ou abandonnés : il n’en manque pas."

"Certaines femmes s’achètent deux robes par an quand une seule pourrait leur durer deux ans."

"Je serai toujours simple et modeste"

"Je ne serai ni jaloux, ni envieux"

"Je ne dirai du mal de personne ; je ne serai ni médisant ni calomniateur ; je serai sagement discret. Je serai reconnaissant envers tous mes bienfaiteurs."

"Je n’irai, plus tard, ni au café perdre ma santé, ni aux courses perdre mon argent, ni au cinéma perdre mon temps à voir des films policiers dont les héros sont des voleurs et des assassins (...)"


Finalement, des jeunes paysans du début du siècle aux "sauvageons" d’aujourd’hui, l’objectif non avoué de l’éducation civique semble rester le même : policer et discipliner la jeunesse. Il est bon de se rappeler que cette morale de l’obéissance, que tant d’intellectuels ou de professeurs semblent aujourd’hui regretter, a formé dans les années 1900-1940 moins de citoyens responsables que de sujets dociles et de fonctionnaires zélés. Ne l’oublions pas : Maurice Papon, ce champion du "service de l’État", ainsi que tous les hauts fonctionnaires qui ont collaboré à la politique raciste du gouvernement de Vichy, étaient les meilleurs élèves de cette école républicaine qui apprenait avant tout à obéir.

En fait, cette école n’apprenait pas seulement à obéir. Elle apprenait aussi à mépriser. En effet, on ne comprend pas la permanence des préjugés, du racisme, du sexisme ou du mépris de classe, si l’on ne prête pas attention à ce relais décisif qu’a été l’école. Relais sans doute plus redoutable que la littérature et les illustrés du type Tintin au Congo, dans la mesure où c’est une parole investie d’une très forte autorité qui transmettait les stéréotypes : la parole du maître. Autres morceaux choisis :

"Les ouvriers affectent trop souvent des manières grossières, un langage incorrect et malséant, un laisser-aller, une négligence, une malpropreté même, qui choquent."

"Je citerai encore une cause de la condition misérable de beaucoup d’ouvriers : c’est la paresse, "le péché auquel nous nous laissons aller le plus facilement". Combien y en a-t-il qui, travaillant faiblement et à contre-coeur, ne font rien de bon, mettent deux heures pour exécuter l’ouvrage d’une seule, reculent devant les difficultés qui devraient les animer, restent pauvres par leur faute, et condamnent ainsi leur famille à l’ignorance et à la misère !"

"À son mari, la femme doit assurer le bien-être matériel et moral. Elle saura faire en sorte que rien ne lui manque : linge et vêtements bien entretenus et prêt à temps ; repas servis exactement et préparés en tenant compte de ses goûts et de sa santé."

"Quels que soient ses dons intellectuels ou artistiques, une femme peut faire plus, elle ne peut faire mieux que fonder un foyer ; aussi fera-t-elle sagement d’y demeurer si la nécessité ne l’oblige pas à travailler au dehors. Restez chez vous, vous aurez choisi la meilleure part."

"La meilleure amie des jeunes filles, qui est-ce ? Voulez-vous que je vous le dise ? Eh bien.. c’est l’aiguille. - Comment ! l’aiguille à coudre ? - Oui ! à coudre, à broder, même à tricoter."

"Il est vrai que, s’ils ne sont guère que le tiers de l’humanité, les Blancs, par l’ascendant de leur intelligence supérieure, par leur morale plus élevée, par leurs religions plus pures et plus nobles, par leur esprit d’invention aussi, et par la force de leurs armes perfectionnées, de leurs machines plus savantes, les Blancs sont les rois de l’Univers."

"Petits Kabyles, fils de vaincus, ne maudissez pas vos vainqueurs : vous n’êtes les sujets d’aucun homme, vous faites partie de la France qui veut votre bien."

"Ces Canaques sont donc bien méchants ? - Ce sont des sauvages, voilà tout. Ils auraient grand besoin d’être civilisés. Malheureusement, ils préfèrent vivre à l’écart."

"Quand la République de 1848 a aboli l’esclavage dans nos colonies, elle leur porta un coup terrible. Les nègres quittèrent en foule les plantations et se livrèrent avec volupté à leur paresse naturelle."

"Supprimer les frontières ? Mais aussitôt la France se couvrirait d’un ramassis d’étrangers, avides de fouler son sol sacré, de respirer son air vivifiant, de jouir de son climat, de ses richesses, de l’exploiter dans le plus mauvais sens du mot. Et lorsque tous ces vampires exotiques l’auraient saignée à blanc, sucée jusqu’aux moelles, la fraternité des peuples se traduirait par des étreintes mortelles, des luttes effroyables, des calamités que l’imagination n’ose concevoir. Ce serait du propre, en vérité !"


Ce type de propos a fort heureusement disparu des manuels scolaires. L’enseignement de l’histoire aussi s’est réformé, mais de manière très insuffisante [2] De plus, ce qui s’est construit en un siècle ne peut être supprimé aussi simplement : il faudrait pour cela un véritable travail de déconstruction. Or, aujourd’hui, non seulement ce travail de déconstruction n’est pas à l’ordre du jour, mais le risque est plutôt, avec le retour de l’éducation civique – et désormais de la morale – à l’école primaire, puis au collège et au lycée, de voir réapparaître, sous couvert de "civisme" et de "laïcité", un catéchisme républicain qui n’apprend qu’à obéir et mépriser.


[1] Cf. M. Jeury, J.-D. Baltassat, Petite histoire de l’enseignement de la morale à l’école, Laffont, 2000. Toutes les citations qui suivent sont extraites de ce livre. Elle proviennent de divers manuels de lecture ou d’instruction civique publiés entre 1900 et 1939.

[2] Cf. P. Tévanian, Le racisme républicain, L’esprit frappeur, 2002, note 122.

Cet article est de Pierre Tevanian qui est un des auteurs d'un blog qui gagne à être visité de temps à autre, voici son adresse : les mots sont importants. Tout est dans le titre de son blog.
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