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 pittoresque frappeur !

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AuteurMessage
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


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Date d'inscription : 26/08/2006

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MessageSujet: pittoresque frappeur !   pittoresque frappeur ! Icon_minitimeMar 26 Sep 2006 - 21:22

Lassé du fracas, des tracas et de la violence qui sont le quotidien du conglomérat de tours et de barres où je vis, et constatant que la sensibilité de ce quartier dit "sensible" s'accordait de plus en plus mal avec celle que les humanités avaient développée en moi, j'avais décidé de suivre le conseil d'un de nos grands poètes romantiques,

Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours...


et de passer seul un après-midi dans les "solitudes vertes" évoquées par un romantique plus grand encore (du moins en était-il convaincu).

Pour ne pas fatiguer votre bienveillante attention qui m'est si chère, je passerai sous silence les préparatifs, le départ et les premières heures de cette excursion qui fut favorisée par un ciel clément et une brise suave, et j'entrerai sans autre préambule IN MEDIAS RES.

Je marchais heureux et confiant dans la pénombre d'une forêt sur un chemin conduisant à une sorte de porche plein de soleil, ouvert entre des arbres de lisière. Ce que j'entrevoyais en approchant de cette issue : un heureux contraste entre vert sombre et vert tendre, des masses rocheuses gris argenté ou bleuâtres... ainsi qu'un vague grondement qui suggérait à mon oreille les eaux bondissantes d'un torrent ou même une cascade, tout cela promettait la découverte d'un vallon charmant, enchâssé dans la montagne boisée.

Un peu grisé par le bonheur que je sentais grandir en moi à chaque pas, je me mis à fredonner le "Jardin Extraordinaire".

Hélas! La violence a atteint jusqu'aux vallons les plus reculés de notre pays, même si elle y prend une autre forme qu'au pied des HLM! Je ne soupçonnais pas, en arrivant au point où devaient m'être enfin offertes la vue complète sur ce paysage et la joie de le contempler, d'en rassasier mes yeux pour en conserver une image inoubliable... Je ne soupçonnais pas que là, justement, était préparé le guet-apens. L'agresseur avait dû m'entendre venir et il m'attendait, lâchement embusqué.

Le choc me coupa le souffle et peu s'en fallut que je ne tombasse sur mes fesses. L'étourdissement que je ressentis alors, s'il n'alla pas jusqu'à la pâmoison, me laissa la jambe flageolante, le regard brouillé, le cerveau vide. Et, ce qui mit le comble à mon désarroi, je n'avais pas emporté mon portable ; cela m'enlevait la ressource d'appeler le psychologue de service pour implorer son soutien. Lorsque je pus compter à nouveau sur mes jambes et sur mes yeux, je fis demi-tour et retraversai la forêt sans m'arrêter, mais avec quelques regards furtifs par-dessus mon épaule.

En attendant l'autorail qui devait me ramener en ville, j'ai lié conversation avec un autochtone et je lui ai conté ma cruelle mésaventure. Il a eu un geste navré :

-- C'est le pittoresque ; on ne se méfie pas, et vlan! De préférence sur des gens sensibles comme vous. Cette année, il en a déjà à demi estourbi trois... Tout de même, le syndicat d'initiative pourrait se soucier davantage des personnes délicates qui visitent ces parages... installer des panneaux pour les mettre en garde... Du genre... je ne sais pas, moi : "Attention, zone... euh..."

L'arrivée de l'autorail a mis fin à ses considérations attristées.

Une heure plus tard, je retrouvais -- non sans quelque soulagement, je l'avoue -- les HLM grisâtres et barbouillées de tags qui composent mon paysage familier.

-- Tu as une mine bizarre, m'a dit ma maman en me revoyant ; tu n'es pas malade?

-- Il y avait là-bas un pittoresque qui m'a frappé...

-- Tu devrais te mettre au karaté comme ton frère ; je te l'ai déjà dit cent fois.



Le professeur relut le sujet qu'il avait donné :

« Vous avez un jour été frappé par le pittoresque d'un lieu. Évoquez ce souvenir en essayant d'analyser ce que vous avez ressenti. »

Puis il soupira, en rouvrant la copie :

-- Et il faut que je lui mette une note...


Dominique Braun
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