ON CAUSE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

ON CAUSE

Histoire de bavarder par écrit
 
AccueilPortailConnexionDernières imagesS'enregistrerRechercher
Le deal à ne pas rater :
Manette DualSense PS5 édition limitée 30ème Anniversaire : où ...
Voir le deal

 

 Dernières nouvelles du bourbier

Aller en bas 
AuteurMessage
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeSam 30 Sep 2006 - 11:22

Alexandre Ikonnikov est né en 1974 à Urshum, près de Kirov, au bord de la Viatka. C'est un germaniste de formation qui renonce rapidement à ses activités d'interprète et de journaliste pour se consacrer à l'écriture.

Dernières nouvelles du bourbier, aux éditions de l'Olivier (Le Seuil) a été traduit du russe par antoine Volodine et de l'allemand par Dominique Petit. Il s'agit de petites scénes mêlant le comique et le tragique et en préambule, l'auteur a écrit cette phrase : "En fait, la prétendue âme russe se réduit à quatre composantes : la croix russe, la langue, la vodka et le bonheur dans la souffrance".

Vous pouvez, sur ce fil au cours duquel je vais dérouler quelques histoires, donner votre impression.

Bonne lecture.
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeSam 30 Sep 2006 - 11:25

Dans une petite ville


Il fallait absolument qu'il boive quelque chose, Andreï. S'il ne trouvait pas de la boisson assez vite, il allait commencer à avoir un mal aux cheveux abominable. Trois mois à se saoûler sans interruption, ça n'a rien d'une plaisanterie. Mais voilà, qu'est-ce qu'on peut bien s'envoyer dans le gosier quand on n'a plus que sept roubles en poche ? Les cafés et les magasins avaient tous fermé depuis longtemps. La ville se préparait à dormir. Andreï leva la tête vers les fenêtres des immeubles où la lumière brillait encore. Elles étaient de moins en moins nombreuses. Dans presque chacun des trous de cette fourmilière il y avait un frigo, et dans presque chacun des frigos, attendait, couverte de buée, la bouteille qui était l'objet de tous ses désirs. Mais comment arriver jusqu'à elle ? La tête lourde d'Andreï se refusait à imaginer des réponses.

Il aperçut devant lui une fourgonnette de la milice et, machinalement, il obliqua vers le jardin public. Il se mit à marcher dans une allée bordée des deux côtés par des lampadaires à la lumière blafarde. Plusieurs lampes étaient cassées. Et s'il se couchait sur l'herbe, s'il se laissait mourir, tout bonnement, sans souffrance ? ...

- La bourse ou la vie !
Devant lui s'était subitement dressée une silhouette colossale. Andreï s'arrêta et regarda la main qui se tendait vers lui. Elle tenait un grand couteau de chasse.
- Qu'est-ce que t'as à me zieuter comme ça ? File moi ton portefeuille ! dit la silhouette en l'agrippant par le col de la chemise.
- Pas qestion. C'est un cadeau de ma maman.
- T'en as marre de la vie ?
La silhouette s'approcha, se colla à lui, et Andreï sentit la pointe du couteau lui presser le ventre, au niveau de la ceinture. Il n'éprouvait aucune peur, aucune angoisse, seule la sécheresse de sa bouche le torturait, et il se passa la langue sur les lèvres.
- La vie, tu parles ! Ma femme m'a quitté, on m'a renvoyé du boulot, ça fait trois mois que je ne dessoûle pas, j'ai un moral de merde, il ne manquait plus que toi !
- Trois mois ? c'est dur, hein ? compatit l'inconnu, et il fit disparaître son couteau dans sa poche.
- Je te dis pas ! Regarde, sept roubles, tiens, qu'est-ce que tu peux boire avec ça, hein ?
- Attends. J'ai un billet de vingt. Ca va nous faire moins cher.
- Ca suffit pas pour une bouteille de vodka.
- Pour de la vodka, non, mais pour de l'alcool de pharmacie, ça suffira. Je connais un endroit pas loin. allez, on y va !
Ils se mirent à marcher en suivant l'allée.
- Quelle ville de merde, dit Andreï aprés une petite pause. Dans d'autres villes, à la gare ou au marché, tu peux te faire embaucher une heure ou deux comme débardeur, ou laver une voiture, ou au final tu peux simplement demander de l'argent. Et on t'en donne ! Alors que chez nous ... Un gros village, voilà où on est. Avec que de la flicaille dans les rues.
- Sûr, c'est pas une ville, c'est un tas de fumier ! approuva l'autre.

Et ainsi, engagés dans une conversation nimée, ils tournèrent au bout de l'allée.
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:01

L'ambulance jaune du service de réanimation freina brusquement à l'entrée du carrefour désert et, après avoir déchargé sur le trottoir un médecin ivre, repartit à toute vitesse. Dans la ville, l'aube allait bientôt éclairer les rues. Le médecin eut un hoquet sonore, alluma une cigarette et poussa la porte d'un bar.
- Bonjour, Sergueï Nikolaïevitch !
Le barman posa un verre sur le comptoir, mais, aprés avoir observé son client avec attention, il remplaça le verre par une bouteille de bière.
- Alors, cette garde ? Vous avez sauvé du monde ?
- Oui, tout le monde ...
Le médecin fit un vaste geste du bras et vacilla légèrement.
- ... Deux infarctus, deux overdoses, un viol.
- Qui est-ce qui s'est fait violer ? Une fille ?
- Non, un grand-père.
- Pas possible !
Le barman avait haussé les sourcils.
- Si. Possible. Il s'est violé lui-même : il a voulu aller aux cabinets, ce vieux crétin, mais il tenait une telle cuite qu'au lieu de s'asseoir sur le siège il s'est assis sur la ventouse qui sert à déboucher l'évier. On l'a amené comme ça, avec la ventouse. On l'avait quand même couvert d'un drap.
- Quelle horreur ! commenta le barman avec une grimace. Si vous voulez mon avis, docteur, la cause de ça, c'est que ses cabinets étaient trop grands. Chez moi, les toilettes font deux mètres sur quatre-vingt centimètres : je ne rate jamais mon coup.
- Foutaises ! Sergueï Nikolaïevitch eut un nouveau hoquet. La semaine dernière, on a déjà eu un type qui venait des toiletes. Il faisait des travaux chez lui, il avait versé dans la cuvette de l'acétone et des solvants. Il s'assied, il allume une cigarette ... et boum ! la tête contre la porte. Commotion cérébrale. Et la cause là ? Des cabinets trop petits.
- Ouais ... fit le barman sur un ton méditatif. Que faire ?
- Boire moins, dit Sergueï Nikolaïevitch . Sert-moi une vodka.
Le barman examina une nouvelle fois Sergueï Nikolaïevitch , afin d'évaluer son état, et finalement il sortit une bouteille et un verre.
- Vous ne risquez pas de vous sentir mal ?
- Je me sens déjà mal, hoqueta le médecin, mais aujourd'hui j'ai une bonne raison de boire : j'ai donné ma démission !
- Vous avez bien fait ! Comme on dit : si ton travail t'empêche de vivre, laisse-le tomber !
- Mais je l'aime mon travail !
- Alors, pourquoi vous le quittez ?
- Le salaire. Une misère. Ma femme me bassine jour après jour. Elle dit qu'elle ne veut pas avoir honte de ses robes devant ses amies, et que les enfants doivent manger des fruits. Alors, à partir de lundi, je travaille comme gardien de nuit à Electronika.
- Pas n'importe quoi comme magasin !
- Tu l'as dit ! Quatre cents roubles par nuit ! En plus de moi, chez les gardiens, il y a un général à la retraite et un prof de gym. D'après eux, il manquait justement un anesthésiste dans l'équipe.
- Et ça consiste en quoi le travail ?
- A rien faire. Une fois les sécurités branchées, on n'a plus qu'à rester en face de l'écran toute la nuit. Il n'y a que trois règles à observer : un, n'ouvrir la porte qu'au directeur, deux, ne pas utiliser le téléphone, et trois, ne pas s'approcher de la vitrine ...
Sergueï Nikolaïevitch le va l'index :
- ... à cause des snipers, completa-t-il.
- Alors, à votre nouveau travail !
- Santé !
Ils burent leur verre. le médecin alluma une cigarette, paya son dû et sortit lentement du bar.

Un mois s'était écoulé. De nouveau, à l'entrée du carrefour, l'ambulance du service de réanimation s'arrêta, et Sergueï Nikolaïevitch entra dans le bar.
Le barman posa un verre sur le comptoir.
- Bonjour, docteur ! Alors, ce nouveau travail ?
- M'en parle pas ! J'ai repris les gardes à l'hopital. Au magasin on m'a flanqué à la porte.
- Flanqué à la porte ? Pourquoi ?
- J'ai violé les trois règles de base, sourit le médecin. Une nuit, juste en face du magasin, un adolescent a reçu des coups de couteau. Je l'ai traîné à l'intérieur du magasin, je lui ai fait des pansements et j'ai appelé l'ambulance. Le lendemain, le directeur s'est mis à hurler. D'après lui, ç'aurait aussi bien pu être une ruse de bandits. Et il m'a foutu dehors. Il y a déjà deux jours que ma femme ne m'adresse plus la parole.
- Et le jeune, il s'en est tiré ?
- Oui.
- Si ta femme t'empêche de vivre, laisse-là tomber, comme on dit.
- Ca c'est une idée à approfondir.
- Tenez ! dit le barman en posant solennellement sur le comptoir une bouteille de Stolitchnaïa. Offert par la maison !
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:03

Conférence


Dernière heure de classe des dixièmes A. La maîtresse entre dans la salle en compagnie d'un invité. L'invité est un milicien d'une forte carrure, avec des moustaches et des yeux rouges.
- Les enfants, aujourd'hui nous accueillons Fiodor Ivanytch. Il est sergent dans la milice. Il va nous parler des règles fondamentales de sécurité et il pourra répondre à toutes les questions qui vous intéressent, dit l'institutrice, et elle s'assied derrière son bureau.
- Bonjour les enfants, tousse Fiodor Ivanytch, et tous reçoivent aussitôt dans les narines une forte odeur d'ail. Hmmm. Je pense que vous connaissez déjà certaines règles, n'est-ce pas ?
- Oui, oui ! font les élèves avec ensemble en approuvant de la tête.
Soudain un garçonnet blond prend la parole depuis le pupitre du fond.
- Faut traverser la rue quand le feu est au vert et, si sur le trottoir on rencontre un bonhomme qu'on a jamais vu, faut lui taper dans les roustons et partir en courant, lâche-t-il sans reprendre son souffle.
- Et si c'est un vendeur de glace ? objecte son voisin de pupitre.
Tous aussitôt veulent participer au débat. Dans la salle monte un vacarme invraisemblable.
- Taisez-vous ! Silence ! ordonne l'institutrice pour calmer ses élèves.
Fiodor Ivanytch extrait un mouchoir de sa poche et éponge son front luisant de sueur.
- Ces derniers temps, il y a souvent des échanges de coups de feu dans notre ville, reprend-il timidement. C'est pourquoi je vous recommanderais d'éviter de vous promener dans la rue Zavosdskaïa et dans la rue des Ouvriers de l'automobile, en particulier le soir.
- On sait, on sait ! approuve la classe en recommençant à faire du bruit.
- Et c'est pas le seul endroit où ça canarde, dit le blondinet du dernier pupitre, en se levant une nouvelle fois. Hier j'ai entendu des tirs au stade Dynamo.
- Moi aussi !
- Et moi aussi !
- Hier au stade la milice s'entraînait au pistolet ... essaie de placer Fiodor Ivanytch, mais déjà plus personne ne lui prête attention.
- Rue Zavodskaïa, c'est la bande des Constructions chimiques qui organise la castagne ! Ils peuvent pas partager leurs restaurants ! crie une petite fille d'une voix perçante.
- Ca va pas, hé, poufiasse ! Y a longtemps que le partage est terminé ! lui rétorquent ses voisines.
- C'est Iazva-l'Ulcère qu'a fait sauter une voiture pour se venger des Constructions chimiques !
- C'est pas Iazva-l'Ulcère, c'est le Rouble ! C'est mon grand frère qui me l'a dit !
Les enfants crient et se lancent des insultes. Très gêné, Fiodor Ivanytch danse d'un pied sur l'autre. Il ne sait pas que faire.
- Taisez-vous ! Chut ! répète l'institutrice en circulant entre les pupitre dans la vaine intention de ramener au silence ses élèves de dixième.
Une petite fille avec un ruban bleu dans les cheveux se tourne vers Fiodor Ivanytch .
- Vous travaillez sur quelle affaire, en ce moment ? demande-t-elle.
- Oh oui ! s'exclament d'autres bambins. Racontez-nous une enquète !
Fiodor Ivanytch jette un coup d'oeil interrogateur sur la maîtresse et, quand il a reçu d'elle un signe d'acquiescement, il commence d'une voix grondante :
- L'autre nuit, on a vu arriver au poste deux assassins. Ils sont rentrés en courant pour se constituer prisonnier.
Dans la salle le charivari s'éteint peu à peu. Fiodor Ivanytch poursuit :
- Au départ, il y avait quatre hommes qui se saoûlaient ensemble dans un appartement. Il se sont mis dans un tel état qu'à un moment, les trois premiers ont décidé de tuer le quatrième. Bon. Ils prennent une scie et ils le coupent en deux. Ensuite, il y en a deux qui retournent à la cuisine, et là, ils recommencent à boire comme si rien ne s'était passé. Le troisième, lui, a l'idée d'une bonne farce. Il s'accroupit et il se met à mrcher en poussant devant lui lapartie inférieure du cadavre. Vous imaginez le tableau : une moitié de cadavre , avec des jambes qui marchent toutes seules !
Dans la classe, le silence est à présent absolu. On entend une mouche bourdonner.
- Voilà l'histoire, continue Fiodor Ivanytch avec un sourire. Les deux types ont eu tellement peur qu'ils se sont jetés par la fenêtre et qu'ils se sont précipités chez nous ! Ils ont tout avoué. Nous, évidemment, on est llés tout de suite arrêter le troisième ...
Bouche bée, les enfants fixent Fiodor Ivanytch. Ils ne perdent pas un mot de ce que raconte le milicien, et celui-ci parle et parle longtemps encore, jusqu'à ce que la sonnerie l'interrompe.
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:05

Amour, sexe et mort à la campagne.


Kolia, dix-sept ans, est tombé amoureux de Sveta, seize ans, et comme dans toutes les mauvaises séries télé de début de soirée, tous les deux franchissent les étapes obligées : regards langoureux, approches maladroites, honte et timidité, peur, confiance, larmes , jalousie, puis une gifle et une dispute, les premieres étreintes, le premier baiser et enfin le grenier à foin.

Au sixième mois, il faut bien se faire une raison, et les parents décident d'un commun accord de marier les jeunes le mardi. La noce a donc lieu le jour même de la fête organisée pour le départ à l'armée. Tout en balayant les sols des casernes avec ses lacets, Kolia oublie ses connaissances scolaires, acquises certes de façon aléatoire. Sveta, en revanche, s'enrichit d'un nouveau savoir en matière de langes, tétines et de pot. Tout en soupirant, debout à sa fenêtre, elle suit des yeux avec envie ses amies qui hâtent le pas pour aller danser.

De retour chez lui, le soldat de première classe ne reconnaît pas tout de suite Sveta, consumée au front familial. La vie civile le conduit, lui et ses amis, vers des aventures passionnées et romantiques qui ne lui laissent plus de temps pour sa femme et sa fille. Néanmoins, abstraction faites des querelles entre ses parents, la petite Nina se porte à merveille - les deux couples de grands-parents s'occupent si bien de l'enfant qu'elle en a les dents gâtées.
La plupart du temps Kolia rentre tard et éméché du travail. Il fait l'amour à son épouse tous les deux mois et le 8 mars pour la journée de la Femme. Suivant résolument les conseils de sa grand-mère, Sveta se raccroche à son mari - de toute façon les autres hommes sont quasiment tous pris. "Bien sûr qu'il m'aime, et moi aussi je l'aime. Chez nous tout va pour le mieux", dit-elle certaines froides soirées d'hiver en ramenant sur la luge son chéri complêtement saoûl.

C'est ainsi que Kolia le tractoriste et Sveta la trayeuse ont vécu jusqu'à nos jours dans l'amour et la bonne intelligence. Nina va entrer en seconde et jette des regards rêveurs à Vitia en terminale B. Kolia mourra à cinquante-six ans de son foie épuisé et Sveta de mort naturelle à soixante-sept ans, avec le beau souvenir d'un grenier à foin. Nina, à dix-huit ans, aura un enfant.
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:09

Une journée de travail du tractoriste Zakharov


C'est le printemps, par un retentissant cocorico les coqs saluent le jour qui se lève. Le tractoriste Sakharov part au travail. Au complexe Agropromchimie il conduit un tracteur K-701, muni d'une remorque pour l'épandage de la tourbe et du fumier. Avant de labourer, il faut soigneusement amender la terre.

Les collègues de Sakharov se sont déjà rassemblés devant le vestibule. Ils jouent aux cartes en attendant l'autobus qui les emmènera dans les champs, où les tracteurs sont stationnés.

Il est huit heures et demie, et toujours pas d'autobus. La voiture du directeur étant tombée en panne, celui-ci a dû réquisitionner l'autobus pour conduire ses enfants à la maternelle. Zakharov allume une cigarette et se joint aux joueurs de cartes. Une fois le poker lancé, on ne voit pas le temps qui passe. Zakharov perd, il veut se refaire, c'est alors que l'autobus arrive.

A onze heures, ils sont enfin sur zone. Les tracteurs sont cachés dans un petit bois. Zakharov met en marche son K-701, mais il ne roule pas immédiatement : il faut que le moteur chauffe. A onze heures et demi, les tracteurs lambinent à la queue leu leu en direction des tas de tourbe, où une excavatrice les attend. Une fois les remorques chargées, on décide toutefois de ne pas se diriger vers les champs, puisque l'heure du repas va bientôt sonner.

Tout le monde se réunit à nouveau pour un poker.
La voiture qui transporte le déjeuner se présente à l'heure. Aujourd'hui, on a au menu une soupe aux pois, de la bouillie de sarrasin, de la goulasch, de la compote. Il y en a suffisamment pour que ceux qui ont faim puisse se resservir.

Après le repas, il convient de marquer une pause. Les tractoristes étendent par terre leurs blousons, s'allongent dessus, et le jeu reprend. Le soleil d'avril réchauffe agréablement les épaules, de la forêt arrivent les chants des oiseaux qui, il y a peu, sont revenus du sud. Zakharov commence à gagner, mais soudain le mécanicien de l'excavatrice signale par radio qu'il a aperçu la voiture de l'agronome. Tous se relèvent d'un bond et courent vers les tracteurs. Il est deux heures vingt.

Joyeusement ronflotent les tuyaux d'échappement, gravement tournent les vis sans fin des épandeurs. Sur la brune couverture du champs on voit encore les plaques blanches de la dernière neige. Mais quand la tourbe est projetée dessus, elles ne mettent pas longtemps à fondre. Sur le bord du champ se tient l'agronome. Il est satisfait.

Au bout d'une heure le travail s'arrête. L'autobus doit passer prendre tout le monde à cinq heures, ce qui laisse le temps de finir la partie interrompue. Zakharov mène de façon incontestable et, sur la route du retour ses camarades lui paient ce qu'ils lui doivent.

Sa femme l'accueille avec un repas délicieux.
- T'avais promis aux enfants que t'installerais une balançoire dans le jardin.
- Je ferai ça samedi. Aujourd'hui, je suis crevé.
- Vous avez terminé le champ, c'est ça ?
- La ferme ! De quoi tu te mêles ? Comme si tu t'y connaissais en agriculture !
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:11

Après le dîner, le chef de famille Elkine, ajusteur au kolkhoze "Etoile rouge", s'assied en face du poste de télévision. Son fils Sergueï, élève de première, lui tend avec mauvaise grâce la commande à distance.
- Tu as fait tes devoirs ?
- Ouais .
- Quoi de neuf à l'école ?
- On a un nouveau prof. Il nous a fait cours d'anglais aujourd'hui.
- Ca faisait deux ans que vous aviez pas eu anglais !
- Le prof a dit qu'on rattraperait. Et tiens, il nous a demandé si on pouvait aller en train de France en Angleterre.
- Quel crétin ! Il ne connaît pas sa géographie. Il y a un détroit entre les deux pays. Comment qu'il s'appelle déjà ce détroit ?
- Le prof a dit que si, on pouvait, ils ont construit un tunnel sous la mer. Il a été en Angleterre, tu sais.
- C'est pas un bobard qu'il vous raconte ?
- Non, il a fait un échange d'étudiants. Il nous a montré des photos. Et aussi il a dit qu'il faut qu'on sache tous l'anglais, pour travailler avec les ordinateurs.
- Foutaises ! Tiens, regarde le directeur du kolkhoze. Il s'est fait mettre un ordinateur dans son bureau, il passe ses journées à s'amuser avec. Même qu'il va plus manger le midi.
- Et encore, qu'on est obligé d'apprendre une langue étrangère si on veut recevoir une éducation supérieure. Et que celui qui veut pas apprendre, il ferait mieux de même pas aller à l'école et de commencer à travailler tout de suite. Mais pas ici. En ville.
- C'est nouveau ça ! Et pourquoi ?
- Il a dit qu'il faut qu'on quitte notre village le plus vite possible, avant d'être définitivement abrutis.
- Pour qui il se prend ce type ?! Notre village qu'est plus vieux que Moscou, le plus beau du district ! Notre kolkhoze qu'est toujours classé en premier pour le lait et le blé ...
- Et aux filles de la classe, le prof a dit que, si elles continuent à forcer sur le lait et les brioches, elles n'auront aucune chance de rien. On les prendra même pas comme call-girls. Et dans les hotels aussi, l'anglais est nécessaire. Les grosses, on les prend seulement pour la Turquie, et encore, dans les endroits miteux ...
- Ferme-là ! Il a quel âge, votre prof ?
- Vingt-neuf. Il a dit qu'il travaillerait comme prof jusqu'à trente-cinq ans, mais pas plus.
- Pourquoi ?
- Il a dit qu'après cet âge-là, les profs retombent en enfance et qu'ils se transforment lentement en abrutis, eux aussi.
- Quel idiot, ce prof ! Et ta mère qui travaille à l'école depuis sept ans ? C'est une mauvaise enseignate à ton avis ?
- Ben ..., j'en sais rien.
- Où elle est, au fait ? Il commence à être tard.
- Elle est allée voir le nouveau prof pour les emplois du temps.
- Ah bon ? Il y a longtemps ?
- Deux heures, à peu près.
- Et votre nouveau prof, il s'est installé où ?
- Dans la vieille maison où avant il y avait un bureau de poste.
- Bon, je reviens tout de suite. Toi, apprends tes leçons.
- Je les sais déjà .
- Apprends-les encore une fois !
Elkine enfile précipitamment sa veste. Il sort en claquant la porte de toutes ses forces.
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:13

La jambe


Par un beau soir glacial de février, la vachère Krotova, sous l'empire de la boisson, se disputa avec son mari, s'empara d'une hache pour fendre les bûches et lui coupa une jambe. Le coup fut si puissant que l'os fut sectionné net, et que le médecin des urgences eut seulement à finir de détacher la peau qui restait. On emmena le mari à l'hôpital, on conduisit la femme au poste, et tous se préparaient à quitter les lieux quand soudain quelqu'un demanda:
- Et la jambe, qu'est-ce qu'on en fait ?

Tous regardèrent le membre ensanglanté, puis le capitaine de la milice.
- On va l'emporter, dit celui-ci. Mettez-là d'abord dans un sac.
Quand les hommes furent montés dans la voiture, ils réfléchirent une minute à ce qu'il convenait de faire, puis ils décidèrent d'emporter la jambe à l'hôpital. Mais là, on leur dit qu'on n'en avait pas besoin, et que la place était plutôt à la morgue.

L'employé de la morgue jeta un coup d'oeil à l'intérieur du sac et approuva en secouant la tête.
- Bon ! Et le cadavre, où il est ?
- Le problème, dit le capitaine, c'est que le cadavre est resté vivant.
- Alors, excusez, mais sans cadavre on ne peut pas prendre ça, répliqua l'employé sur un ton offensé, et il leur claqua la porte au nez.
Déçu, le capitaine revint s'asseoir dans la voiture avec son sac, et il interrogea ses coéquipiers du regard.
- Je ne sais pas, mais à mon avis on devrait la jeter dans la forêt, proposa celui qui conduisait. Les loups vont la manger et on n'en parlera plus !

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les miliciens choisirent un vieux chemin forestier et ils s'enfoncèrent sous les arbres.
- Plus loin, plus loin, ordonnait le capitaine.
Lorsque la neige trop épaisse empêcha la voiture d'avancer, ils descendirent et continuèrent à pied sur une bonne distance. Le sac fut vidé dans une congère, sous un sapin, et on recouvrit la jambe avec des branches.
- Et souvenez-vous : pas un mot à qui que ce soit, recommanda le capitaine.

Deux mois plus tard, dans le district voisin, le scandale éclata, prenant aussitôt des proportions énormes. La presse reprochait à la milice locale de rester inactive, alors que dans la forêt alentour gisaient ça et là des morceaux humains. La mère Katia, qui en ramassant du petit bois dans la forêt avait fait l'horrible découverte, était le principal vecteur d'une rumeur selon laquelle on avait affaire non pas à un unique Jacques l'Eventreur, mais à une secte avec toute une bande d'adeptes. De Moscou furent dépêchés deux avions militaires avec une unité des forces spéciales; en deux jours les habitants de la région remplacèrent toutes leurs portes en bois par des portes en fer, et épuisèrent le stock de carabines du magasin d'articles de chasse.

Le capitaine et ses subordonnés avaient compris que, lors de cette fameuse nuit, ils s'étaient aventurés au-delà des limites administratives de leur district; néanmoins, ils décidèrent de garder le silence sur la question. A l'image des centaines d'autres miliciens de la région, ils obéirent aux directives de la hiérarchie et ils se mirent à passer les broussailles au peigne fin et à interroger les témoins.

On ne captura pas les éventreurs; mais on récupéra six armes à feu non déclarées, deux voitures volées, un parachute datant de la Deuxième Guerre Mondiale, ainsi que seize alambics clandestins. Quant aux assassins, des informations dignes de foi indiquaient qu'ils avaient quitté la Russie pour aller sévir en Biélorussie.

Fort heureusement, dans la section que dirigeait le capitaine, personne ne fut dégradé ou exclu de la milice, au contraire de ce qui se produisit dans la section du district voisin, où les sanctions furent nombreuses. Le capitaine et ses collègues avaient eu le courage de ne pas dire un mot. Et ils se taisent encore aujourd'hui, remarquez bien.
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:14

L'hôte de marque


Le remue-ménage débuta tôt le matin. Les cantonniers bouchèrent un trou dans l'asphalte sur l'avenue de la Révolution d'Octobre, les concierges coupèrent à la faucille les bardanes qui enlaidissaient les pelouses, deux ouvriers de la villes allèrent gratter les crottes de pigeon qui souillaient la statue de Lénine, et la milice interdit la circulation sur les deux artères principales. La ville attendait un hôte de marque.

A une heure sur le quai de la gare se rassemblèrent ceux qui allaient l'accueillir : le gouverneur avec sa suite, un ensemble folklorique féminin en tenue traditionnelle pour présenter le pain et le sel de l'hospitalité, un orchestre militaire, et les badauds habituels. Le train du ministre avait un retard de vingt minutes.

Sergueï, le chauffeur du gouverneur, se tourna vers Igor, chauffeur du vice-gouverneur.
- Dis donc, j'ai un besoin pressant. Tu crois que j'ai le temps ?
- Si c'est seulement pour pisser ça peut aller ! répondit l'autre en jetant un coup d'oeil à sa montre.
Sergueï disparut dans le bâtiment administratif, mais aussitôt il réapparut.
- T'as fait vraiment vite ! s'étonna Igor.
- C'est en travaux, dit Sergueï.
Il regardait nerveusement à droite et à gauche, les yeux équarquillés.
- T'as encore le temps de courir jusqu'aux pissotières de la gare, conseilla Igor.
Sergueï fonça vers les toilettes de la gare et, depuis l'entrée, regarda à l'intérieur. Au milieu d'une mare d'urine étaient posées des briques reliées par des planches. Une file d'hommes avançait là-dessus avec lenteur, chacun d'une main se bouchant le nez et de l'autre veillant à préserver leur équilibre. Sergueï lacha un juron et revint vers les voitures. Ayant lu le dépit dans les yeux de son camarade, Igor dit avec assurance :
- Alors il reste les buissons. Vaut mieux perdre sa dignité que de se faire péter la vessie ! Allez ! Mais magne-toi !
Sergueï se précipita vers une allée à côté de la gare et dès que le milicien en faction eut tourné la tête il se cacha derrière un arbre.

La musique et les applaudissements éclatèrent au même instant. Le ministre sortit rapidement du wagon. Il avait la mine sombre. Sans perdre une seconde, il fit mouvement vers le gouverneur et, tout en lui donnant l'accolade, il lui glissa à l'oreille :
- J'ai une affreuse envie de pisser, j'en peux plus !
- Par ici ! dit le gouverneur en souriant.
Il se préparait à faire entrer le ministre dans le bâtiment administratif de la gare, quand son chauffeur Sergueï bondit vers luii et lui chuchota quelques mots contre son épaule. Le visage du gouverneur prit une expression soucieuse, et celui du ministre qui entendait tout, s'assombrit encore plus.
- Et si on allait directement à l'hôtel de ville ? suggéra Sergueï.
- Ca risque de prendre trop de temps, dit le ministre. Vous avez bien des WC quelque part dans le coin ?
- Au musée des Beaux-Arts.
- Alors, direction le musée des Beaux-Arts ! Et en vitesse !
Et tous les trois se précipitèrent vers la voiture du gouverneur avec sur leurs talons un cortège perplexe.
- En voilà un qui s'active au moins ! fit remarquer un joueur de trombonne à la jeune fille qui portait le pain et le sel. A peine arrivé et déjà au travail.

Quand le ministre sortit du musée, son visage rayonnait.
- Dis donc, Vladimir, demanda-t-il en éclatant de rire, qu'est-ce que tu fabriques ici comme gouverneur, si il n'y a pas d'endroit pour pisser dans ta ville ?
Le gouverneur, qui souriait d'un air coupable, se mit à rire à son tour, et toute la suite officielle se répandit en sourires mièvres, tout en plissant les yeux en face de la lumière intense du soleil.
Le ministre se retourna vers le musée et secoua la tête d'un air entendu :
- Magnifique bâtiment ! Mais dis donc, vous l'avez construit en un temps record, non ? Quand je suis venu te voir la denière fois, il n'était pas encore là !
- On a fait de notre mieux, répliqua fièrement le gouverneur.
- Bravo ! Gardez le cap ! gloussa le ministre. Et maintenant, c'est le moment d'aller déjeuner. On a été dans quel restaurant, la dernière fois ?
- Au Droujba.
- Eh bien, qu'est-ce qu'on attend ? On y va!

Et la foule des bureaucrates s'étira pour rejoindre les voitures : tous se sentaient satisfaits et fiers d'eux-mêmes, et fiers de leur ville.


Dernière édition par le Dim 8 Oct 2006 - 12:15, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:14

Mutinerie


A la colonie pénitentiaire de droit commuun de N., les hommes du groupe 4 pénétrèrent en silence dans le réfectoire, arborant tous des mines sombres. Zavialov, matricule 16-58, condamné pour avoir tué deux inspecteurs des impôts dans un moment d'égarement, jeta un regard lugubre sur la purée que contenait son assiette. Son visage, tourmenté par des ulcères tuberculeux, grimaça .
- De la viande, je veux de la viande, dit-il à mi-voix. Et soudain, il se mit debout, renversa son assiette et, cognant dessus avec une cuillère, il poussa un cri de désespoir : DE LA VIANDE !
Un instant plus tard, la protestation avait été reprise par des dizaines de voix et de cuillères.
- DE LA VIANDE ! DE LA VIANDE !

Les gardiens commencèrent à faire mouvement en direction de Zavialov, mais sur leur chemin se dressa soudain le mur vivant formé par les détenus. Effrayés, ils battirent en retraite. Le chahut ne cessait de croître. Encore une minute, et tout se mettait à voler, les bancs rivetés au sol et les tables.
- DE LA VIAN-DE ! DE LA VIAN-DE !

C'est alors que le cuistot apparut. Il était là pour avoir détourné le bien de l'Etat dans des proportions assez phénoménales, mais il ne lui restait plus que deux mois pour être libéré. Il monta sur une table et hurla de toutes ses forces.
- Mes frères !
Tous se retournèrent. En tablier blanc, sa toque sur la tête et brandissant une longue louche, il rssemblait à un prêtre catholique.
- Mes frères ! Et moi, vous ne pensez pas que j'en ai marre de ces soupes et de ces bouillies à base d'eau de vaisselle ? Moi qui était cuisinier à Moscou au restaurant Prague, moi, le maître des chachlyks, le dieu de l'esturgeon ? Mais je vous le dis, le jour est proche où la nourriture sera bonne !
On entendit des exclamations furieuses et des jurons, mais courageusement le cuistot continua.
- Oui, le jour est proche ! Le prochain président de la Russie aura beaucoup de cheveux, et nous, nous aurons de la bonne nourriture en abondance. Regardez cette alternance diabolique de dirigeants chauves et de dirigeants chevelus dans l'histoire si douloureuse de notre Patrie. Le dernier tsar russe, Nicolas II, avait des cheveux, et le peuple avait de quoi manger ! Ensuite est arrivé Lénine, et, avec lui, la faim.
La foule des détenus s'était peu à peu calmée. Maintenant, elle écoutait l'orateur avec attention.
- Après Lénine, Staline le chevelu a relevé le pays de ses ruines, puis Khroutchev le chauve a voulu nous faire crever avec son maïs. Le suivant a été Brejnev ! Rappelez-vous ses cheveux bien fournis, et les prix dans les magasins d'alimentation ! Ensuite ça a été le chauve Gorbatchev, qui nous a obligé à vivre avec des tickets, comme pendant la guerre ...
La salle approuva en une seule clameur:
- C'est vrai ça !
- Eltsine avait des cheveux. beaucoup en ont profité pour s'en mettre plein les poches. Mais la bouffe, il y en avait ! Alors Poutine ? Hein ? Il en a comment des cheveux ? Beaucoup ?
Le cuistot interrogeait la salle en pointant sa louche sur tel ou tel. Des rires fusèrent, une réponse vint :
- Pas beaucoup, non.
- Alors, bande de chiens, qu'est-ce qui vous prend ? Attendez encore, et priez pour que le prochain en ait plus !
Le cuistot sauta à bas de la table.

La mutinerie s'était éteinte. Le sourire aux lèvres, les prisonniers se dirigèrent vers la sortie.
Un des officiers tapa sur l'épaule du cuistot :
- Merci ! Tu nous a rendu un fier service !
- Va lécher le cul de ta soeur, grommela le cuistot, et il disparut dans la cuisine.
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:17

Bruits matinaux

Réveil.
Cuvette des WC.
Téléphone. Répondeur.
- Bonjour, mon chéri. C'est Olia. Encore merci d'avoir signé les papiers du divorce. Je pars à Chypre avec mon ami. J'ai laissé le chèque à ta mère.
Bourdonnement du rasoir électrique.
Clapotis de l'eau dans le lavabo.
Téléphone.
- Vadik, c'est Serioga. Je n'ai rien pu faire. Le chef a signé ton ordre de licenciement. Si tu vas chez nos concurrents, ne m'oublie pas. Rends la clé de ton bureau au secrétariat. Salut !
Ressort du grille-pain.
Téléphone.
- Ici Maria Ivanovna. Vadim Ignatievitch, mes parents ne viennent pas dans une semaine, comme ils l'avaient promis, mais aprés-demain. Il faudrait que vous ayez libéré l'appartement dès demain, pour que je puisse faire le ménage. Vous pouvez laisser les clés dans la boîte aux lettres. Je suis désolée. Au revoir.
Bruit de voiture dans la rue.
Claquements de chaussures dans l'entrée de l'immeuble.
Téléphone.
- Ici Serioga. C'est encore moi. J'avais complètement oublié. Rends aussi au secrétariat les clés de la voiture. Le chef en a besoin demain. Salut !
Froissement de papier.
Grincement de la porte de l'armoire.
Téléphone.
- C'est moi. Vous me reconnaissez ? Je n'ai pas pu trouver un six coups. Faut prendre un sept coups. Ca fera deux cents de supplément. Aujourd'hui, à l'endroit habituel.
Cognement du cadre de la fenêtre que quelqu'un a ouverte grande.
Deux pas sur le rebord de la fenêtre.
Chute sur l'asphalte, quelques étages plus bas.
Cris.
Téléphone.
- Bonjour. Je suis le représentant de la firme "vivre avec le sourire". Permettez-moi de vous féliciter, Vadim Ignatievitch. Vous avez gagné deux tubes de notre nouvelle crème rafraîchissante pour le visage. Et si vous envoyez à notre adresse un mandat de cent quarante roubles, vous aurez une chance de gagner notre super prix : le nouvel aspirateur Turbo 3000...
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Claudius
On ne peut plus m'arrêter
On ne peut plus m'arrêter
Claudius


Nombre de messages : 1143
Age : 74
Date d'inscription : 26/08/2006

Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitimeDim 8 Oct 2006 - 12:23

Dernières nouvelles du bourbier 287929351008aa240sclzzzzzzzvj6


Voilà, toutes les nouvelles de ce livre sont de cet ordre-là, tendres, cruelles, drôles.

Si vous ne voulez pas investir (c'est de l'ordre de 17/18 €uros) demandez-le à votre bibliothécaire préféré.
Revenir en haut Aller en bas
https://oncause.1fr1.net
Contenu sponsorisé





Dernières nouvelles du bourbier Empty
MessageSujet: Re: Dernières nouvelles du bourbier   Dernières nouvelles du bourbier Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Dernières nouvelles du bourbier
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Nouvelles insolites

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
ON CAUSE :: On conseille :: C'est écrit-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser